Cet amphibie (puisque amphibie il y a, sans qu’on puisse affirmer le contraire)
n’était visible que pour moi seul, abstraction faite des poissons et des cétacés ; car,
je m’aperçus que quelques paysans, qui s’étaient arrêtés à contempler mon visage,
troublé par ce phénomène surnaturel, et qui cherchaient inutilement à s’expliquer
pourquoi mes yeux étaient constamment fixés, avec une persévérance qui paraissait invincible,
et qui ne l’était pas en réalité, sur un endroit de la mer où ils ne distinguaient, eux,
qu’une quantité appréciable et limitée de bancs de poissons de toutes les espèces,
distendaient l’ouverture de leur bouche grandiose, peut-être autant qu’une baleine.

Cela les faisait sourire, mais non, comme à moi, pâlir, disaient-ils dans leur pittoresque langage ;
et ils n’étaient pas assez bêtes pour ne pas remarquer que, précisément, je ne regardais pas
les évolutions champêtres des poissons, mais que ma vue se portait, de beaucoup plus, en avant.
De telle manière que, quant à ce qui me concerne, tournant machinalement les yeux du côté
de l’envergure remarquable de ces puissantes bouches, je me disais, en moi-même,
qu’à moins qu’on ne trouvât dans la totalité de l’univers un pélican, grand comme une montagne
ou au moins comme un promontoire (admirez, je vous prie, la finesse de la restriction qui
ne perd aucun pouce de terrain), aucun bec d’oiseau de proie ou de mâchoire d’animal sauvage
ne serait jamais capable de surpasser, ni même d’égaler, chacun de ces cratères béants,
mais trop lugubres.